juillet, 2012

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Mais qu’est-ce….

Mais qu’est ce que l’art?

Pour certain c’est reproduire le visible par des méthodes anciennes, pour ces gens l’art s’arrête au 19 ième siècle.  Pour d’autres comme l’a dit Paul Klee:  »l’art ne reproduit pas le visible il rend visible ». Pour ceux-là, l’art devient une aventure, un besoin comme boire ou manger.

Pour moi, l’art n’est qu’un choix de perspective qui amène le spectateur à voir la vie d’un autre angle.

 

Nouvelle peau

Je viens de voir mon oncologue et il est très satisfait de ma condition générale, ses propres paroles: cela ne pourrait aller mieux. Je suis donc très content aussi, malgré quelques nausées résiduelles et quelques coliques, je crois que je suis en train de renaître, comme un crabe ou un serpent qui change de peau. Malgré le repos complet, je me sens quand même un peu fatigué, ce n’est pas facile de changer de peau.

Amarone

Depuis plus d’une dizaine de jours je ne mangeais pas, nourri par intra-veineuses, mon systéme fonctionne relativement bien quand même. Ce matin malgré des nausées contrôlées, des diarrhées toujours là mais moins abondantes que les jours précédents, j’ai pû prendre mon petit déjeuner: un jus de pomme, deux hop & go et une tasse de thé.

Comment peut-on être fiers de manger un petit déjeuner? nous n’avons qu’à demander et on nous l’apporte. Plus de la moitié des humains sur cette planéte auraient apprécié avoir un tel petit déjeuner, pourquoi dois-je le manger avec des hauts-le cœur?…

Mon indice de bien-être est composé de plusieurs petites choses:  Des Gb qui dépassent les 600, les plaquettes 26, le fait que je recommence à me composer des menus en chosissant le vin comme point de départ. Que peut-on manger avec un vieil Amarone?

Des suggestions?

 

Pensées allégoriques

Hier couché je voyais les murs s’animer, c’était un rayon de soleil qui réfléchissait sur la surface de l’eau dans une bouteille qui faisait flamber l’horloge, puis un linteau de fenêtre s’ajouta par son ombre à la structure du mur. Le soir, les infirmières utilisent une loupiote pour remplir les formulaires: pression, température, saturation etc, cette petite source de lumière n’est pas assez forte pour éclairer la chambre mais assez pour projeter des ombres  car leur rayon effleurent les boites de gants de caoutchouc où les gants s’amoncellent dans la fente de la boite pour former des monticules. J’y vois St-Georges Terrassant le dragon, Judith et Holopherne, une Pieta… C’est ma caverne de platon.

Gb 0.0000000000 Pl 14.

Mon système immunitaire est vraiment à 0, Gb 0.0000000000000000 Pl 14, je suis aussi vulnérable à une chiure de mouche qu’à la bactérie E-coli.

Les infectiologues ont découvert l’intruse, il s’agit d’une bactérie très commune que toute personne qui n’est pas en état de neutropénie n’aurait même pas senti passer. Ils sont en train de l’éliminer mais je ressens tout de même les symptômes.

Nous réussissons à faire passer la fièvre avec de l’acétaminophène, mais aux quatre heures le frisson reviens parfois avec tremblements solennels, en juillet…, on croirait que  Père blanc qui a attrapé la malaria au Congo. On ne peut imaginer comment nous pouvons être dépendants pour des besoins primaires, attaché au bout de 6 pieds de tubulure sur une patère pleine sacs de soluté et d’un autre côté nous sommes pris au mur par un tube d’oxygène. Pour manger ça va mais pour l’autre, celui où nous avons pafois des urgences, surtout dans ma situation, peut-on imaginer la frustration qui nous assaille, attendre après un préposé quand on ne peut pas… attendre ou dire au préposé de venir avec tout le nécessaire de nettoyage. Ce sont de bien petites choses quand nous n’y sommes pas confrontés.

Je vogue

Je vogue sur un vaisseau, il  n’est ni grand ni taillé dans l’or massif, il est fait de plâtre de métal de bois et de verre, j’y suis attaché comme Ulysse au pont de la Calypso. Mes liens ne sont pas des cordages mais des tubulures, la fièvre, la nausée et les diarrhées. Parfois la fièvre me fait survoler ma couche, j’y vois quelqu’un qui essai de se rebâtir, puis je réintègre ce corps et je me laisse bercer par le chant des sirènes.

Je me revois

Le ciel est d’un beau gris chaud sur Québec ce matin. Il doit rester une certaine moiteur dans l’air car les gens sont légèrement vêtus, ils vaquent à leurs occupations, les uns magasinent, d’autres montent la côte d’un pas franc, bien décidés à ne pas manquer le car du tour de ville.

Je ferme les yeux et me revois en 2010 sur l’île de Santorin avec mes petits enfants, ciel céruléen sur mer azur, toîts blancs immaculés, je me dis en moi-même qu’un être humain  est fait de ses bonheurs, ses joies, ses peines, ses rencontres et ses meilleurs souvenirs.

Comme un grand vortex.

De mes plus lointains souvenirs je me rappelle que j’étais dans le Rhode Island avec mes sœurs ma mère et mon père, du Québec aux USA j’ai eu le mal des transports, ma mère découpait des petits morceaux de papier journal qu’elle me mettait sur le torse, je tenais aussi un cornet fait de ce même journal au cas où…

Il y avait sur le bord de la mer au haut de la plage, sur le boardwalk, un cirque avec une tente et des manèges. Je me souviens des odeurs de pop-corn, de barbe à papa et de clams-cakes. Mon père raffolait de ces biscuits aux mollusques et il voulait vraiment m’y faire goûter. Mon goût n’était pas fait à ce genre de nourriture  frite et grasse, mon estomac de sept ans, le bruit, les lumières, les manèges, je sentais ma têtes tourner jusqu’au moment où il me fit monter dans la grande roue d’où je pouvais saisir tout le paysage d’un seul coup–d’œil, je me sentais aspirer par un grand vortex, je sentais mes pieds se dérober sous moi puis le grand bonheur est apparu. Je me suis  soulagé sur les gens du siège d’en dessous.

Ces jours-ci, je sens le même vertige, le même vortex qui m’aspire, ce n’est pas les biscuits aux clams mais le melphalan, toute la journée j’espère au soulagement mais il ne peut-être que temporaire et médicamenté car ni mon estomac ni mon œsophage ne pourraient supporter de reflux sous peine de lésions.

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NAUSÉES

Je sens mon corps se gonfler comme ce contenant de yaourt qui a passé une partie de la journée au soleil sur la tablette de la fenêtre. La membrane d’aluminium qui sert de bouchon est devenue toute bombée j’ai eu peur qu’il explose.

Je fais autant d’exercices que possible, sur le vélo stationnaire, avec des élastiques, des étirements, des redressements mais sans succès, la chimie est plus forte, pour l’instant…

Comme dans le pot de yaourt mes nouvelles cellules se transformeront en super cellules et je gonflerai dans quelques jours, comme Hulk Hogan, des épaules et des fesses plutôt que du bide, des pieds et des bajoues.

Le temps passe…

Confiné à une chambre d’hôpital, huitième étage avec vue sur l’ouest et le nord ouest de la ville de Québec j’ai le temps comme on dit. Ah! c’est une belle chambre, remise à neuf tout le confort moderne, je regarde passer les gens par la fenêtre panoramique, les touristes qui marchent à quatre de large sur le trottoir, les pressés qui les passent dans la rue, les jeunes filles qui descendent la côte du palais sur des souliers à talons trop hauts ou sur des sandales sans talon.

J’observe le personnel de l’hôpital faire son travail, organisé, méticuleux, à heure fixe sans trop perdre de temps.

Mais le temps est une donnée bien aléatoire, comment puis-je dire que j’ai le temps quand je ne connais pas le temps qu’il me reste.

Autrefois, lorsque je montais des films je mettais la pellicle entre deux plaques pleines, c’est-à-dire qu’on ne pouvait voir la quantité de film qui reste à l’intérieur des bobines. Celle de droite la réceptrice, celle de gauche le film à monter. Quand au début on tourne la poignée droite, le film progresse très lentement dans la visionneuse puis de plus en plus vite mais nous ne pouvons voir la quantité de pellicule qui reste dans la bobine gauche même s’il s’accumule à droite et que celle de gauche tourne de plus en plus vite.

Comme nous ne connaissons pas la durée de la séquence qui nous est impartie nous devons profiter de chaque rayon de lumière, des ombres, des visages, des sourires flous qui apparaissent sur la visionneuse, de même apprécier chacun des sons, des bruits, des murmures des soupirs. Même imaginer le souffle du vent dans les feuilles des arbres qui nous provient des écouteurs.

C’est mon quotidien ici au huitième étage de l’Hôtel-dieu, car comme le dit si bien mon ami Dominique, Cela m’ennuirait de mourir avant la fin de ma vie.